Sahel – Diplomatie : l’AES rompt avec Alger, le drone de la discorde

Les relations déjà tendues entre l’Algérie et les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) viennent de franchir un nouveau palier dans la rupture. Ce dimanche 6 avril, Bamako, Niamey et Ouagadougou ont annoncé le rappel de leurs ambassadeurs à Alger, accusant l’Algérie d’avoir abattu un drone malien sur son propre territoire.

C’est un nouvel épisode dans le feuilleton de plus en plus conflictuel entre Alger et les régimes militaires du Sahel. Le Mali, flanqué de ses alliés nigérien et burkinabè, a décidé de rappeler ses ambassadeurs accrédités en Algérie. Une mesure symbolique, mais lourde de sens, qui marque un tournant dans la relation – déjà dégradée – entre les deux blocs.

Au cœur de la discorde : un drone de reconnaissance de l’armée malienne, abattu le 1er avril dernier, selon Alger, après avoir violé son espace aérien. Une version que conteste catégoriquement Bamako, qui affirme, enquête à l’appui, que l’incident s’est produit en territoire malien. L’épave aurait été retrouvée à 9,5 km au sud de la frontière algérienne. « Il s’agit d’un acte hostile, prémédité, inamical et condescendant », martèle le ministère malien des Affaires étrangères dans un communiqué incendiaire.

Fin de la diplomatie de façade

Dans un communiqué commun, les trois États de l’AES ont exprimé leur solidarité avec le Mali et ont décidé de rappeler leurs diplomates pour consultations. Une démarche coordonnée qui illustre la volonté croissante de l’alliance sahélienne de faire front uni face aux puissances extérieures perçues comme intrusives ou hostiles.

Mais au-delà de cet incident, c’est un contentieux plus profond qui refait surface. Le Mali n’a jamais digéré la proximité d’Alger avec les groupes touaregs du nord malien. Une méfiance qui a culminé en janvier 2024, lorsque Bamako a annoncé son retrait pur et simple de l’accord d’Alger signé en 2015, pourtant considéré comme un pilier du processus de paix.

Le Cemoc en ligne de mire

Dans la foulée de cette rupture, Bamako a également acté son retrait du Comité d’état-major conjoint (Cemoc), une plateforme sécuritaire régionale basée à Tamanrasset et coordonnée par l’Algérie. Une décision qui affaiblit davantage les efforts de coopération dans une région en proie à l’insécurité chronique depuis plus d’une décennie.

Enfin, le gouvernement malien a fait savoir qu’il comptait saisir des juridictions internationales pour « actes d’agression ». Si l’initiative a peu de chances de déboucher sur des sanctions concrètes, elle illustre néanmoins l’escalade diplomatique en cours.

L’Algérie, isolée au sud ?

Pour Alger, ce nouveau camouflet intervient dans un contexte délicat. Sa stratégie d’influence au Sahel – longtemps articulée autour de la médiation et du leadership militaire – semble de plus en plus contestée. En rupture avec Paris et désormais en froid avec ses voisins du sud, l’Algérie pourrait se retrouver isolée sur le plan régional.

L’AES, de son côté, continue de resserrer les rangs, déterminée à affirmer sa souveraineté contre ce qu’elle perçoit comme des ingérences extérieures. Une dynamique qui rebat les cartes diplomatiques au Sahel et redessine les alliances.

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