Mortalité maternelle en Afrique : Le poids des avortements dangereux

En Afrique, les avortements dangereux continuent d’endeuiller de nombreuses familles. Bien que ce fléau soit condamné  par des lois restrictives, ces interruptions volontaires de grossesse continuent de gangréner dans la société. Pratiqués parfois en cachette dans des conditions extrêmement dangereuses et souvent dans des cliniques clandestines, les avortements non sécurisés constituent aujourd’hui l’une des principales causes de la mortalité maternelle chez les jeunes Africaines.

Dans la plupart des pays, l’accès à un avortement médicalisé reste très limité et n’est accessible que dans des cas spécifiques tels que les grossesses résultant de viol, d’inceste ou mettant en danger la vie de la mère. En tout, moins de dix pays notamment le Bénin, la Tunisie, le Cap-Vert ou encore l’Afrique du Sud, autorisent l’avortement sans restrictions strictes, prenant en compte des raisons socio-économiques. Même dans ces pays, l’interruption volontaire de grosses (IVG) reste très limitée. Et il est souvent difficile d’accéder à des services sécurisés et légaux. La stigmatisation religieuse et sociale, ainsi que le manque de ressources en soins de santé et de personnel qualifié, sont à l’origine de cette difficulté.

Que les lois soient inspirées de lois coloniales ou qu’elles soient intégrées dans la logique de la charia, le constat est pratiquement le même partout dans les autres pays africains: l’avortement demeure interdit. Mais malgré cette interdiction, l’IVG est toujours pratiquée de façon clandestine par des femmes.

Selon une analyse de la FIGO, sur les 3,2 millions d’avortements à risque pratiqués chaque année dans les pays en développement chez les adolescentes de 15 à 19 ans, l’Afrique subsaharienne représentent 44 %. Selon les estimations, plus de trois quarts des avortements en l’Afrique subsaharienne seraient non sécurisés, ce qui veut dire qu’ils sont pratiqués par une personne non qualifiée, ou ils sont faits selon une méthode non recommandée. Les conséquences en sont lourdes pour les femmes, les familles et les systèmes de santé. Les femmes qui subissent des avortements dangereux sont souvent confrontées à de complications telles que la septicémie, les hémorragies et les traumatismes. Sur le long terme, elle risque d’être atteinte par la salpingite ou d’être infertile. D’ailleurs chaque année, 1,6 million de femmes subissent des traitements pour des complications causées par les IVG non supervisées. L’Afrique subsaharienne présente le taux le plus haut de mortalité liée à l’avortement au monde, presque 185 décès maternels pour 100 000 avortements. Dans cette région, l’IVG ne se fait pas que dans les cliniques, elle se fait également grâce aux tisanes faites maison, parfois à base de plantes ou des pilules non réglementées achetées au marché noir.

Mais pourquoi les avortements les plus risqués se produisent en Afrique ?

L’Afrique est le continent qui possède la plus jeune population au monde avec plus de 400 millions de jeunes âgés de 15 à 35 ans. Cette population manque cruellement de facteurs de développement économique et social nécessaires pour améliorer leurs conditions de vie, notamment en matière de santé sexuelle et reproductive. Le manque de connaissances sur la sexualité et la reproduction est en grande partie causé par le poids de la société, de la culture et de la religion. Ce manque a un impact négatif sur la vie des jeunes Africains, souvent précocement initiées aux relations sexuelles. Selon une étude du PLAN, la majorité des adolescents en Afrique ont des relations sexuelles avant 18 ans.

Dans une société où parler de sexualité est tabou, voire un sacrilège, la santé sexuelle des jeunes est réellement menacée. Même dans les établissements scolaires, il est rare de trouver des structures dédiées à l’éducation sexuelle et reproductive. Dans certaines familles, personne n’ose aborder la sexualité, ce qui entraîne une ignorance totale des jeunes Africains sur la prévention des grossesses non désirées, les infections sexuellement transmissibles, la reproduction et la compréhension des menstruations chez les femmes.

La société, la religion, la tradition et la pauvreté sont des facteurs importants qui influencent la pratique des avortements dangereux en Afrique. Pour éviter de dévaloriser leur famille, la plupart des jeunes filles font appel à un avortement en secret. Par manque de moyens financiers, elles se tournent fréquemment vers les cliniques clandestines qui ne peuvent pas effectuer l’IVG conformément aux normes.

Selon une enquête sur « la population, les activités économiques, la scolarisation et la santé de la reproduction » réalisée en 2017, les principales raisons des IVG sont liées à 51 % aux grossesses non désirées, à 35 % aux pressions familiales, à 34 % au manque de moyens financiers pour le suivi de la grossesse et à 7 % à la responsabilité du conjoint. Toutefois, les décès et les lésions dus à des avortements dangereux peuvent être évités.

Comment pouvons-nous diminuer les avortements dangereux?

Afin de diminuer le décès maternel causé par l’avortement, il est essentiel que les pays africains qui l’interdisent amendent leurs lois dans le but de faciliter l’accès à l’avortement. En raison des lois contraignantes et de la criminalisation de cette pratique, les professionnels de santé ne peuvent pas effectuer leur travail de manière appropriée. Et de garantir des soins de qualité en respectant les bonnes pratiques médicales et leur engagement déontologique.

L’éducation sexuelle doit également être intégrée dans les programmes scolaires pour permettre aux jeunes d’acquérir une compréhension approfondie de la sexualité et de la reproduction. En outre, les États doivent former des professionnels de la santé compétents. Car l’avortement est une pratique médicale sans danger lorsqu’il est effectué par des professionnels compétents et selon une méthode recommandée par l’OMS.

Cependant, le manque d’accès à des soins sécurisés, abordables, opportuns et respectueux, ainsi que la stigmatisation associée à l’avortement, représente des risques pour le bien-être physique et mental des femmes tout au long de leur vie.

 

Bountouraby SIMAKAN

 

avortement en afriquel'IVGOMSSanté en Afrique