L’économie guinéenne, entre résilience et croissance

La Guinée dispose de nombreux atouts naturels qui pourront lui permettre de se hisser parmi les géants du continent. Non seulement elle possède un potentiel hydrologique et agricole considérable, mais également son sous-sol est très abondant en minerai (bauxite : 1ʳᵉ réserve mondiale avec 25% du stock et 2ᵉ producteur mondial), 4 milliards de tonnes de fer, 700 tonnes d’or et 30 à 40 milliards de carats de réserves de diamants prouvées. Cependant, son économie reste assez peu variée et vulnérable.

En dépit de l’instabilité politique et de la hausse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie, l’économie guinéenne a fait preuve de résilience, enregistrant une croissance de 4,0% en 2022. La croissance économique a poursuivi son augmentation, atteignant 5,7% en 2023, portée par le secteur minier, qui a bénéficié d’une hausse des demandes indienne et chinoise en bauxite et en aluminium.

En 2023, la croissance du secteur non-minier, soutenue par l’agriculture, a par ailleurs augmenté, atteignant 4,8 %. Grâce à la production minière et à l’investissement dans la mine de fer de Simandou, le PIB est 4,2 % en 2024. Ce déclin par rapport à l’année 2023 est dû aux pénuries de carburant causées par l’explosion du dépôt pétrolier en décembre dernier et à une diminution de l’approvisionnement en énergie hydroélectrique. Cependant, même si la Guinée a reçu des financements d’urgence suite à l’explosion du dépôt de carburant de Conakry, la croissance économique a freiné en 2024 atteignant 4,1 %. En 2025, la croissance devrait atteindre 5,4 %, avec une amélioration de l’approvisionnement en électricité. La dépréciation du taux de change et l’augmentation des coûts de transport liés à l’invasion de l’Ukraine par la Russie ont entraîné une augmentation de l’inflation en 2024 et pourraient continuer en 2025.

Le déficit budgétaire

En 2023, le déficit budgétaire est passé de 0,8 % du PIB à 1,6 %, ce qui témoigne de l’effet des subventions à l’électricité et aux carburants. Cependant, il demeure l’un des plus bas de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). La proportion de la dette publique a augmenté de 40,1 % du PIB en 2022 à 35,2 % en 2023. Malgré un risque modéré de surendettement, la capacité d’absorption des chocs est restreinte. En 2022 et 2023, le déficit du compte courant a maintenu sa stabilité à 8,6 % du PIB, grâce aux investissements directs étrangers dans la mine de fer de Simandou. Les réserves de change ont connu une baisse, passant de 3,4 mois de couverture des importations en 2022 à 2,5 mois en 2023. Les prêts non productifs ont légèrement augmenté, passant de 8,77 % des prêts bruts en 2022 à 8,95 % en 2023, ce qui confirme une capitalisation adéquate du secteur bancaire. Il est prévu que le déficit budgétaire diminue pour atteindre moins de 3 % du PIB en 2025, puisque les investissements dans les infrastructures, les subventions à l’énergie et les dépenses électorales augmentent. Les importations de biens d’équipement destinés à Simandou devraient augmenter le déficit du compte courant en 2024 et 2025, dépassant ainsi les niveaux de 2023.

Dette publique

D’après la dernière étude de viabilité de la dette du FMI, le pays souffre toujours d’un surendettement modéré, mais il a une certaine capacité à faire face aux chocs. La dette extérieure de la Guinée est entièrement publique. Dans le cadre de l’initiative PPTE, le pays a obtenu une annulation partielle qui lui a permis de réduire le taux de dette externe de plus de 110% du PIB en 2005 à moins de 20% du PIB en 2013. Jusqu’en 2021, la dette a augmenté (à près de 30 % du PIB) afin de financer des projets d’infrastructure, avant de diminuer vers 20 % du PIB en 2023. En 2022, l’essentiel de la dette extérieure de la Guinée était composé de dettes concessionnelles, bilatérales (50% du total) et multilatérales (49%). En avril 2024, la Banque d’investissement et de développement (BIDC), organisme de financement de la CEDEAO, a accordé un prêt de 300 millions de dollars au pays pour des projets dans divers domaines. En février, l’organisation avait annulé les sanctions mises en place à la suite du coup d’État.

De plus, la Guinée a obtenu des engagements d’investisseurs émiratis en février 2024 pour un montant de 7 milliards de dollars pour financer des infrastructures, y compris un nouveau dépôt de carburant. Finalement, des négociations auraient été entreprises au début de 2024 avec le FMI afin de recevoir un financement d’urgence. Le risque de surendettement extérieur de la Guinée demeure modéré, mais vulnérable à la baisse de ses recettes d’exportation et à l’évolution du cours du franc guinéen.

Les conséquences de l’explosion du dépôt de carburant à la fin de l’année 2023 se font sentir en 2024, ce qui nuit aux perspectives de croissance en Guinée, notamment en ce qui concerne l’augmentation des prix. En plus des incertitudes concernant la situation internationale, la situation politique et sociale en Guinée est de plus en plus vulnérable, avec une augmentation du mécontentement de la population.

Bountouraby SIMAKAN