L’explosion du dépôt des Hydrocarbures : les répercutions socioéconomiques.

Dans la nuit du 17 au 18 décembre 2023, le principal dépôt de carburant de Kaloum, le cœur de la capitale du pays qui est à la fois le quartier politico-administratif, diplomatique et des affaires, a explosé et provoqué des pertes en vies humaines et  D’importants dégâts matériels. Les conséquences de cette catastrophe sont considérables et impressionnante.

Sur le plan humain, on enregistre 24 morts et 285 blessés. Toutefois, on note que plus de 10.000 personnes ont été plus ou moins  impactées par cette tragédie.

Sur le plan matériel, la destruction d’environs 800 bâtiments témoigne de l’ampleur du drame dont les échos ont résonné bien au-delà de la commune de Kaloum. Il est intéressant de relever que nombres de ces bâtiments sont des propriétés immobilières d’individu  dont l’indigence est avérée.

Sur le plan économique l’impact est lourd et affecte aussi bien les données macroéconomiques, que les secteurs formel et informel. En effet, selon les prévisions de l’Institut National de la Statistique (INS), une réduction de 4,2 % des importations de pétrole raffiné est anticipée pour l’année 2023. Cette réduction a des répercussions sur le secteur des transports, une donnée majeure de l’économie nationale, entraînant une baisse prévisionnelle de la croissance économique de 0,7 point. Cette réduction de la croissance aura plusieurs conséquences, notamment la perte d’emplois et le risque de non-respect de certains engagements de l’État.

S’agissant de l’augmentation des prix liée à la gestion rationnelle du carburant, on note que c’est essentiellement le tarif  du transport routier qui a connu de fortes perturbations haussières, durent un moment. Les tarifs du transport ont enregistré une hausse substantielle de plus de 60 % à l’échelle nationale, avec des augmentations encore plus marquées dans certaines régions. Les projections inflationnistes pour décembre 2023, dépassent les 10 %, représentant une hausse considérable par rapport aux prévisions  qui étaient en deçà de 5 %.

Le sinistre impactera, sans doute, significativement les finances de l’Etat ainsi que les politiques publiques, notamment dans les secteurs sociaux. Il se traduira par une importante réduction des recettes fiscales, en particulier à cause du ralentissement des activités dans les secteurs névralgiques que sont les transports et l’énergie. Concomitamment, les dépenses augmenteront substantiellement en raison des coûts générés par l’assistance aux sinistrés et la reconstruction des infrastructures et des bâtiments à usage d’habitation endommagés. Cet accident imposera un réajustement budgétaire,  requérant un emprunt sur le marché financier international doublé de la quête d’une aide auprès des PTF (Partenaires Techniques et Financiers).

La prochaine loi de finances rectificative devra intégrer cette nouvelle donne afin que les politiques publiques soient en adéquation avec les ressources réelles de l’Etat.

Les effets de cet incendie auraient été plus dévastateurs sur l’économie nationale si le gouvernement n’avait pas fort heureusement anticipé certaines mesures salvatrices. Par exemple, «  la Banque Centrale a opté pour une politique monétaire souple lors de sa réunion du 22 septembre 2023. La réduction du taux directeur de 50 points de base, est passée de 11,5 % à 11,0 %, et la diminution du taux de réserves obligatoires de 200 points de base, à 13,0 %, visent à injecter de la liquidité dans l’économie. Cette initiative a permis de libérer environ 5 000 milliards de GNF, destinés à soutenir à la fois, les secteurs privé et public. » Par ailleurs, l’incident a mis en évidence la nécessité d’améliorer les infrastructures, en particulier dans le secteur de l’énergie, tout en respectant les standards internationaux de sécurité.

Force est d’admettre que les autorités de la transition, notamment le gouvernement, ont promptement maitrisé les conséquences économique de l’incendie et évité une exacerbation corrélative de la crise économique. On sait depuis longtemps que l’augmentation durable des prix des produits de première nécessité est liée à celle du coût conjoncturel des transports qui résulte lui-même de l’augmentation du prix du carburant. On a donc crains que la perturbation dans la distribution des hydrocarbures n’entraine durablement une augmentation des tarifs du transport urbain et interurbain. Ce qui n’a heureusement pas été le cas.

L’un des principaux enseignements qu’on peut tirer de cette catastrophe est l’emplacement inapproprié du dépôt de carburant aujourd’hui ceint par le quartier populaire et populeux de Coronthie et le centre d’affaires de la cité du Chemin de fer, le tout à quelques encablures du Port Autonome et des ministères. L’explosion et l’incendie soulèvent la question de la délocalisation de cette installation stratégique vers des liés moins peuplés, moins humanisés.

ABRAHAM K. DORE.