FMI au Kenya : ajustement budgétaire ou asphyxie économique ?

Le ton est monté, et les murs feutrés du dialogue technocratique ont cédé sous la pression d’une crise politique et sociale de plus en plus explosive. Entre le Kenya et le Fonds monétaire international (FMI), l’idylle semble avoir tourné court. En coulisses, c’est un clash inédit qui se joue, sur fond de réformes impopulaires, de tensions budgétaires et de grogne populaire.

Des réformes imposées… et mal digérées

Depuis 2021, Nairobi s’est engagé dans un vaste programme de réformes économiques sous la houlette du FMI, en échange d’un soutien financier de plus de 3,6 milliards de dollars. Au menu : réduction du déficit budgétaire, rationalisation des subventions, réforme fiscale et restructuration de la dette.

Mais pour de nombreux Kényans, le prix à payer est trop lourd : hausse de la TVA sur les carburants, suppression de subventions alimentaires, impôts élargis sur les PME… Résultat : une inflation galopante, une population excédée et une classe moyenne étranglée.

William Ruto face au feu social

Élu en 2022 sur un discours en faveur du « hustler nation », le président William Ruto voit son image de défenseur du petit peuple sérieusement écornée. Sa proximité avec les cercles du FMI, et les décisions douloureuses qui en découlent, ont accentué le fossé avec sa base électorale.

La tension est montée d’un cran début mars, lorsque le gouvernement a laissé entendre que certaines prescriptions du FMI pourraient être « réévaluées » — une façon polie de dire que Nairobi commence à s’impatienter face aux exigences de l’institution de Washington.

Le FMI recadre, Nairobi résiste

Dans un communiqué au ton inhabituellement ferme, le FMI a rappelé « la nécessité de maintenir le cap des réformes pour garantir la stabilité macroéconomique du pays ». Une sortie qui a provoqué une vague d’indignation au Kenya, perçue comme une ingérence directe dans les affaires souveraines du pays.

« Le FMI ne gouverne pas le Kenya ! », a lancé un député de la majorité, illustrant l’exaspération croissante même au sein du camp présidentiel.

Un climat tendu… jusqu’où ?

En toile de fond, se joue aussi la question de la dette extérieure – Nairobi doit rembourser plusieurs milliards de dollars en 2025, notamment en euro-obligations. Et sans les décaissements réguliers du FMI, le pays pourrait se retrouver face à un mur.

Mais à quel prix continuer à appliquer des réformes socialement explosives ? William Ruto marche sur une corde raide, tiraillé entre les exigences des bailleurs et la colère d’une rue qui gronde. Et le clash avec le FMI ne fait que rendre l’équation plus instable.

Vers une redéfinition des rapports ?

Plus largement, l’épisode kényan reflète une dynamique grandissante en Afrique : celle d’un rejet de plus en plus assumé des conditionnalités imposées par les institutions financières internationales.

Le Kenya ne remet pas en cause le besoin de stabilité économique. Mais il exige désormais d’être traité en partenaire, non en élève sous surveillance. Un changement de ton que le FMI devra désormais intégrer dans sa grille de lecture africaine.