FMI–Sénégal : alliance fragile sur fond de turbulences électorales

À Dakar, les consultations budgétaires prennent des allures de diagnostic médical. Et le médecin en blouse grise, c’est le Fonds monétaire international (FMI). Confronté à un déficit croissant et une dette sous tension, l’État sénégalais fait de nouveau appel à l’institution de Washington pour rééquilibrer ses comptes. Un « traitement » qui suscite autant d’espoir que de réticences.

Une économie en tension

Alors que le Sénégal se prépare à une alternance politique historique après le report – puis la reprogrammation – de l’élection présidentielle, les fondamentaux économiques inquiètent. Le déficit budgétaire avoisine les 5,5 % du PIB, la dette publique franchit les 10 000 milliards de francs CFA, et les recettes fiscales peinent à suivre.

Dans ce contexte, le FMI joue une fois encore les urgentistes, déployant ses équipes à Dakar début mars pour une revue des finances publiques. Objectif : ajuster les engagements du programme de soutien en cours, estimé à près de 1,8 milliard de dollars.

Des réformes sous surveillance

Le programme signé en 2023 entre le Sénégal et le FMI prévoyait une série de réformes fiscales, la rationalisation des subventions, et une meilleure maîtrise des dépenses. Mais avec une croissance inférieure aux prévisions, notamment à cause du retard dans la mise en production des projets pétroliers et gaziers, les équilibres budgétaires sont fragilisés.

La situation sociale n’aide pas : flambée des prix, tensions salariales, et un contexte politique encore incertain. Le FMI recommande donc un « ajustement graduel » plutôt qu’un choc frontal. Traduction : resserrer la ceinture sans étouffer la rue.

Une dépendance assumée ?

Si les autorités sénégalaises saluent la coopération avec le FMI, une partie de l’opinion publique et de la classe politique dénonce une dépendance excessive. « Le Sénégal est devenu un élève modèle du FMI, mais à quel prix ? », s’interroge un économiste dakarois.

Pour les détracteurs du programme, ces ajustements servent davantage les créanciers que la population, accentuant la précarité d’une classe moyenne déjà sous pression.

Le futur président sous surveillance

À l’approche du scrutin présidentiel, tous les regards se tournent vers celui ou celle qui succédera à Macky Sall. Le ou la future chef.fe de l’État héritera d’un budget étroitement encadré par le FMI, mais aussi d’une population de plus en plus impatiente face aux promesses non tenues de l’émergence.

Et dans ce climat tendu, le « docteur FMI » pourrait bien être contraint d’adapter son ordonnance à la réalité politique sénégalaise. Car dans un pays où l’économie est aussi politique que les urnes, la rigueur budgétaire n’est jamais neutre.