Ils étaient 147, dont une femme et un nourrisson, à fouler à nouveau le sol guinéen après un périple éprouvant. Bloqués au Niger alors qu’ils tentaient de rejoindre l’Europe, ces migrants guinéens ont été rapatriés mardi 5 mars, dans le cadre d’un programme d’assistance humanitaire.
Un retour sous tension
L’avion affrété par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a atterri à l’aéroport international Ahmed Sékou Touré en fin d’après-midi. À bord, des hommes jeunes pour la plupart, mais aussi une femme et son nourrisson, le visage marqué par la fatigue.
Pour beaucoup, ce retour à Conakry est un mélange d’émotions contradictoires : le soulagement d’échapper aux dangers du désert et aux conditions de détention parfois extrêmes au Niger, mais aussi l’amertume d’un rêve brisé.
« Nous avons tout risqué pour tenter d’atteindre l’Europe, mais nous avons été arrêtés au Niger », raconte Abdoulaye, 27 ans, originaire de Kankan. « On nous a enfermés pendant des semaines, sans savoir ce qui allait nous arriver. Aujourd’hui, on revient à zéro. »
La Guinée face au défi migratoire
Le rapatriement de ces migrants intervient dans un contexte où Niamey, sous la pression des autorités européennes, intensifie sa politique de lutte contre l’immigration irrégulière. Depuis le coup d’État de juillet 2023, le Niger est devenu un maillon clé du dispositif de contrôle des flux migratoires en Afrique de l’Ouest.
Pour Conakry, le défi est double. D’une part, il s’agit d’accueillir ces migrants et de faciliter leur réinsertion, souvent dans des conditions économiques précaires. D’autre part, les autorités doivent gérer une jeunesse tentée par l’exil, faute d’opportunités locales.
En octobre dernier, le gouvernement guinéen avait annoncé la mise en place de programmes de réinsertion pour les migrants de retour, avec l’appui de partenaires internationaux. Mais sur le terrain, la réalité est plus complexe. « Beaucoup de jeunes repartent à la première occasion », admet un responsable associatif sous couvert d’anonymat.
Un départ qui se répète
Si la Guinée n’échappe pas à la vague migratoire qui touche l’Afrique de l’Ouest, le phénomène s’est intensifié ces dernières années avec l’aggravation de la crise économique. L’attrait de l’Europe, malgré les risques, reste fort.
« Je vais tenter à nouveau », affirme sans hésitation Mamadou, l’un des rapatriés. « Je ne peux pas rester ici à ne rien faire. Il vaut mieux mourir en essayant que de végéter. »
Un discours récurrent qui témoigne du défi majeur auquel fait face la Guinée : comment convaincre sa jeunesse que l’avenir est encore possible sur place ?