Fodé SOUMAH, Directeur général adjoint EDG chargé de l’exploitation

Pour redresser la société EDG, le CNRD a misé sur votre trio. Quel sentiment avez-vous à date après presque deux ans de gestion sur le plan exploitation technique ?
C’est une satisfaction majeure, il faut l’avouer, parce que, pour ce qui me concerne personnellement, on m’a choisi dans un domaine dans lequel j’ai à peu près vingt-cinq ans d’expérience. De ma sortie de l’université jusqu’aujourd’hui, je n’ai travaillé que dans le domaine d’exploitation, en production transport et à un moment donné, on a géré de façon indirecte la distribution. Donc dans toutes les composantes de cette direction générale chargée d’exploitation, on se sent à l’aise. Et quand on vous choisit dans un domaine de votre compétence, dans lequel vous avez une expérience aguerrie, vous ne pouvez qu’exprimer votre satisfaction par rapport au choix fait. Et le trio, je le sens beaucoup plus à l’aise, dans ce sens que non seulement le premier responsable c’est un ami, nous avons souffert ensemble dans l’exploitation, nous avons partagé beaucoup de choses dans ce domaine. Et même quand il a quitté, l’échange est resté entre nous en travaillant en symbiose. Et la troisième personne, c’est un de nos doyens, avec laquelle on a tissé d’abord nos relations. Donc si nous trois, nous sommes associés aujourd’hui de faire un travail commun, moi je ne peux qu’exprimer ma satisfaction.

La Guinée avec son potentiel hydraulique, plus de six mille mégawatts (6000 MW), en matière de production d’énergie hydraulique, quelle est la part de l’EDG et celle des IPP ?
Si on se base en termes de production, aujourd’hui c’est vrai les six mille mégawatts ne sont pas exploités, nous sommes à la hauteur d’envi
ron 13 % en termes de mise en œuvre de cette potentialité, donc beaucoup reste à faire. Pour venir à votre question, dans la production au quotidien, Souapiti participe à la hauteur de 57% actuellement, Kaléta 34% ce qui me donne environ 91%. Alors que la participation hydraulique à cette phase de saison hivernale est dans les environs de 95%. Puisque dans notre système maintenant les centrales appartenant à la Guinée, il n’y a que Garafiri qui participe à la production. Et compte tenu du déficit pluviométrique et Garafiri est le régulateur du système Konkouré. On n’est obligé de baisser sa participation, ce qui fait que présentement la part de la Guinée ne représente que 1% dans cette participation hydraulique.

Sur le plan de la production d’énergie thermique, quelle est la part d’EDG et celle des IPP ?
À date, en matière de production bien sûr, nous sommes à parts égales. Le rapport en fait foi, les IPP font 2% et nous nous faisons 2%. Mais en termes de puissance installée en thermique, on a plus de 200 MW et dans ce chiffre, il n’y a que 50 MW en IPP, donc ça fait à peu près 1/4 en IPP et la Guinée prend les 3/4 en puissance installée.

À combien peut-on estimer ces contrats des IPP à l’EDG et face à ces montants importants, quel levier avez-vous pour la maîtrise de ces coûts tout en améliorant la capacité de production énergétique de l’EDG. Et par conséquent la fourniture à l’électricité de la population guinéenne ?
Si on fait un petit calcul, je viens de vous le dire que les IPP représentent à peu près 97% de la production aujourd’hui. Et ont fait à peu près dix mille mégawatts heures le jour. Et si les IPP prennent, 97% avec un coût avoisinant 11 à 12 centimes de dollars par KWH, on peut faire un petit calcul pour estimer cette part financière des IPP. En estimation, voilà ce que je peux vous donner, sur les dix mille mégawatts heures que nous produisons par jour, les IPP ont 97% et cela est facturé 11 centimes de dollars par KWH. Ce qui fait qu’en termes de production, nous sommes complètement en deçà devant le standard.

Qu’est-ce qui explique la reprise du délestage ou les coupures dans certains quartiers de Conakry et les villes de l’intérieur du pays ces derniers temps. Rappelez le temps de délestage entre 2021 et 2023 ?
Vous savez, l’interprétation de ces données est un peu difficile, il faut vous mettre à la place de la population pour en parler. Si vous parlez en tant que technicien, on ne va même pas vous écouter. Pourquoi je dis cela en termes de délestage, vous comparez 2021 à 2023 d’ailleurs de façon générale, nous n’avons plus de délestage en Guinée. Mais nous ne pouvons pas dire cela à la population, elle ne va même pas nous écouter. Dans la mesure où quand un citoyen rentre dans sa maison, il appuie sur son interrupteur, la lampe ne s’allume pas, c’est un délestage, il est en train de regarder son journal, une coupure survient, c’est un délestage. Et techniquement nous nous n’appelons pas cela délestage, nous avons trois raisons pour faire la coupure. Ou c’est un délestage, c›est-à-dire lorsque la puissance demandée est supérieure à ce que nous possédons, on déleste. Actuellement, ce que nous avons en termes de production dépasse deux fois le besoin de la Guinée. Donc il n’y a pas délestage en termes techniques, mais y a des coupures. Ces coupures sont dues essentiellement aux travaux ou aux pannes sur le réseau. Si vous parlez de l’actualité maintenant, nous sommes au mois d’octobre, nous dans notre gestion, nous nous disons que les périodes d’étiage se sont déplacées. Avant l’inter-saison était remarquée au mois de septembre. C’est au mois de septembre qu’on avait assez de perturbations dues aux orages et aux décharges atmosphériques. Mais vous conviendrez avec moi, la semaine dernière plus précisément le 31 octobre, on a enregistré de 17 heures à 19 heures, un festival de déclenchements parce qu’il y avait des orages partout, moi j’étais sur la route de Kindia, j’ai vu des troncs d’arbres tombés partout et aucun réseau électrique ne résiste à cela. Pour la protection des équipements, il va falloir interrompre l’alimentation. Et cette interruption peut pendre une ou deux heures, la population prend cela comme un délestage. La nuit d’hier notre équipe a passé toute la nuit en train de travailler et jusqu’à présent, elle est là. Il y a les périodes de correction, malheureusement pendant ces périodes, il faut faire une interruption. Pendant les périodes de défaut, il faut faire une interruption, durant les périodes de travaux, il faut faire une interruption. Et chaque interruption est considérée chez le consommateur comme un délestage, c’est pourquoi c’est un terme que nous avons réfuté mais nous l’acceptons quand même. C’est vrai il y a des délestages, mais ils sont dus aux travaux et aux pannes que nous corrigeons au fur et à mesure ou de façon quotidienne. Ce qu’il faut remarquer, c’est qu’en investissement, nous sommes partis très rapidement, en source de production aujourd’hui ce problème ne se pose pas. Nous avons les sources de production très consistantes, l’État a également mis les moyens pour renforcer les capacités de production et de transport. Sur le volet de la distribution, la même chose a été faite et les travaux sont en cours. Il y a les projets partout dans la capitale, ainsi qu’à l’intérieur du pays pour renforcer la capacité de transiter de nos sources de production vers les clients. Les clients se plaignent souvent des pertes de phases ou des surcharges sur leurs transformateurs dans les quartiers et pour palier à cela nous déchargeons en créant de nouveaux départs et exhortant la population à souscrire au compteur prépayé.

Quelle réponse aviez-vous pour remédier cette insatisfaction de la population, surtout celle de Conakry ?D’abord, c’est une responsabilité partagée, EDG a sa part de responsabilité dedans parce que quand vous demandez à la population pourquoi les transformateurs sont surchargés, elle va vous répondre que ce sont les agents de l’EDG qui font le raccordement. Néanmoins, vous conviendrez avec moi que cela ne se fait pas seulement par le personnel de l’EDG. La Guinée est le seul pays où l’un des rares pays où n’importe qui peut monter sur les poteaux électriques, manipuler les réseaux de l’EDG comme il le veut au vu et au su de tout le monde. Aujourd’hui, la population est très grandissante, vous avez prévu un transformateur d’une puissance pour une population donné, au fur à mesure la population grandit la charge du transformateur augmente. Nous cherchons à remplacer ou à renforcer ce transformateur. Si ça reste dans la logique des analyses de l’EDG, nous avons un seuil, lorsque le seuil là est atteint, nous renforçons le transformateur. Mais vous pouvez faire le constat aujourd’hui, nous le faisons par semaine. Dans une semaine, vous revenez trouver un transformateur qui était à 80% a atteint plus de 100%, il est surchargé. Cette surcharge est provoquée par une consommation abusive incontrôlée de la population, c’est pourquoi EDG a pris les dispositions et toutes les dispositions qu’il faut. Pour l’utilisation des compteurs et surtout des compteurs à prépaiement car lorsque la consommation n’est pas comptée ou mesurée, nous sommes en train de parler de l’être humain, on met tout de suite des sacs de riz au marché Madina, on dit que chacun vient prendre ce qu’il peut manger. Je vous assure, le premier qui viendra prendra tout, parce qu’il n’y a pas de mesure. Mais quand on dit que chacun prend cinq kilogrammes, je pense que la quantité de riz déposée à Madina suffira à toute la population. Donc tirant cette conclusion, nous nous sommes fixés pour objectif et il faut saluer aujourd’hui l’initiative et l’appui inconditionnel de notre ministère et du gouvernement. Pour l’acquisition et l’installation de ces compteurs qui permettra à chacun de compter sa consommation en électricité. Et si cela est, nous allons réduire drastiquement les surcharges et par conséquents la rupture des conducteurs. Chaque conducteur est dimensionné pour transporter une charge bien donnée, c’est comme un camion quand il est fabriqué pour transporter cinq Tonnes et arrivé à Coyah, vous mettez onze Tonnes à l’intérieur pour transporter à Kindia le camion ne peut pas amener cette charge. C’est la même chose qui arrive avec les conducteurs, nous mettons une charge donnée et les clandestins viennent mettre leur charge à volonté sans contrôle. La plupart des cas ce sont des ouvriers qualifiés qui ont appris dans le temps, ils n’ont aucune notion de la mesure ou de la relève. Et cela surcharge les lignes et les transformateurs. Nous perdons énormément d’argent dans ces trafics. Donc, nous sommes sur le terrain pour parer à cette éventualité, heureusement, on a l’appui du ministère de la Justice qui nous a ordonné désormais en cas de vol d’électricité, c’est-à-dire si nous prenons quelqu’un qui n’est pas parmi le personnel de l’EDG en flagrant délit, nous sommes capables de le poursuivre et notre service juridique a déjà engagé quelques actions dans les tribunaux de Conakry dans ce sens. Et vous l’avez vu à la télévision et c’est ce que nous allons poursuivre.

Avec le mixe énergétique du pays dominé par les barrages hydro-électriques. Pouvez-vous affirmer de la disponibilité en qualité et en quantité de la fourniture d’électricité à l’horizon 2025 ?En regardant dans le rétroviseur après la mise en service de Kaleta et voir aujourd’hui en 2023 ce que nous vivons actuellement et que je me suis dit que je n’arrive même pas à utiliser la moitié de l’énergie que je possède. C’est la raison pour laquelle nous avons engagé des démarches vers les pays voisins avec la construction des nouvelles lignes d’interconnexions pour vendre une partie de cette énergie aux pays environnants. Là, nous prenons toutes les dispositions, toutes les garanties à notre côté afin que l’énergie que nous possédons en tout cas jusqu’en 2025 parvienne à satisfaire le besoin de la population. Certes la population grandit, les besoins grandissent, le développement se fait sentir partout. Par conséquent, la croissance estimée peut aller au-delà de notre attente et c’est pourquoi notre ministère de l’Énergie, de l’Hydraulique et des Hydrocarbures a engagé une institution pour faire une étude diagnostique du système et préparer des projets futurs dans un document que nous avons appelé le schéma directeur.Dans ce document, il est dit que chaque année quelles sont les puissances qu’il faut mettre à disposition pour que nous ne soyons pas surpris de cette évolution grandissante du besoin en énergie électrique. Donc si ce schéma est suivi, nous pouvons vous garantir que d’ici 2025 voire jusqu’à l’horizon 2035 qu’il n’y aura pas de souci. Je reviens déçu, il faut qu’on suive le schéma de directeur. Je vous rappelle que l’EDG est une société d’exploitation. Par conséquent, nous ne devons pas faire l’investissement de grande taille s’il s’agit de développer les sources de productions, cela relève de notre tutelle technique, le ministère de l’Énergie.

Avec les sources d’énergies renouvelables comme les photovoltaïques, les éoliennes, que fait EDG pour rattraper son retard sur ce plan ?Je vous avoue que j’ai mal au cœur quand vous me posez cette question. Je ne voudrais pas que cela soit ce sens que vous me posez, j’aurais voulu que vous me demandiez combien EDG a installé jusqu’à date. Nous avons constaté qu’il y a trop de promesses, nous avons des investisseurs qui viennent de partout avec des promesses, des dizaines, des centaines de mégawatts en photovoltaïques. Certes on est gâté par la nature, le soleil, il y en a partout. Mais on n’a pas pu développer un seul mégawatt de solaire. Qu’est-ce-que nous avons constaté aujourd’hui, l’État nous subventionne comme vous le savez prêt de trois mille milliards de francs guinéens par an cela essentiellement au fait que le coût d’acquisition de l’énergie est nettement supérieur au tarif avec lequel nous revendons cette énergie à la population. Ceux qui viennent pour nous faire des propositions financières par rapport à la mise en œuvre de ces sources d’énergies photovoltaïques parce qu’il faut reconnaitre le cout d’acquisition est un peu chère. Ils veulent nous revendre cette énergie au-delà du prix de vente de l’énergie aujourd’hui. Ce qui va nous pousser à aller en crescendo sur le coût d’acquisition de l’énergie. Donc agrandir la subvention et aujourd’hui la tendance, c’est le contraire, il faut diminuer ainsi tous ceux qui viennent nous faire des propositions qui ne soient pas en phase avec le coût standard, nous ne les recevons pas, ils disparaissent. Alors, nous avons fait un dernier entretien pour répondre à votre question, nous nous sommes dits le peu de moyen que nous pouvons quand même avoir par an, essayons de développer nous-même nos sources, qu’elle soit sa taille ou sa capacité, mais petit à petit cela va se développer. Donc EDG s’est engagée dans cette dynamique présentement et nous avons un appui du projet PAAEG (le Projet d’Amélioration des Accès à Electricité en Guinée) nous sommes en train d’envisager le développement d’une puissance à proximité de nos lignes de transport dans la zone de Kindia. Et cela nous permettra dans les années à venir de développer les premières sources et d’aller au-delà de cela.  En plus hormis cette aventure, nous nous sommes dits qu’il faut avoir des sources, mais il faut savoir l’exploité. Nous sommes à l’état primaire de notre expérience. Nous avons consulté déjà les grandes écoles de la place, l’université Gamal Abdel Nasser de Conakry, l’institut de technologie de Mamou où j’ai vécu les réalités et qui forment actuellement des ingénieurs capables de concevoir ces sources, faire le montage et faire l’exploitation. Nous allons recruter un certain nombre de profils dans ces universités, y compris notre personnel EDG sur place pour assurer une formation in situ afin de préparer ces équipes pour faire face à cette demande pressante.

Et l’électrification rurale, avez vous des projets d’énergie solaire devant satisfaire les besoins  des populations dans ces  zones ?
Pour développer les énergies solaires dans ces endroits, il va falloir que cette énergie soit subventionnée sinon elle ne sera pas à la portée de la population. C’est vrai qu’aujourd’hui le ministère à travers l’AGER (l’Agence Guinéenne de l’Électrification Rurale) est en train de développer ce genre de sources à travers le pays. Dans notre conception actuelle les parties habitées par la population rurale qui ne bénéficieront pas de cette énergie, nous allons développer les sources mixtes solaires thermiques. Vous n’êtes pas sans savoir que le soleil est une énergie intermittente, elle ne donne de l’énergie que la journée et la population rurale en a besoin la nuit. C’est là où il y a les informels qu’on peut développer cette énergie rapidement. Mais pour satisfaire aux besoins de la population on va faire le mixte ; en couplage :  le photovoltaïque la journée et une fois à l’arrêt le soir, on démarre le groupe thermique pour satisfaire les besoins de la population. Mieux si la centrale solaire est à proximité d’un fleuve ou d’une rivière, il s’agira de développer un micro barrage hydraulique puisque l’hydraulique aussi est intermittent, il fonctionne tant qu’il y a l’eau. S’il n’y a pas l’eau, il ne fonctionne pas ainsi pour économiser la quantité d’eau qu’on retient, on fait fonctionner le solaire la journée et la centrale hydraulique la nuit.

Quel message avez-vous pour une bonne utilisation de l’électricité ?
Si on ne contrôle pas la consommation, on ne s’en sortira pas. C’est pourquoi dans la campagne que nous venons de faire avec la population. J’ai travaillé personnellement sur ces différentes catégories d’appareils, les appareils à basses, moyennes et hautes consommations. Je les ai catégorisées pour chaque type de consommateur. Cela permettra à chaque client de contrôler sa consommation. Il s’agit de choisir les bons appareils à basse consommation. Et nous allons élargir cette explication à la population très prochainement.

Un mot pour finir ?
Je vous remercie pour l’opportunité que vous m’avez donnée ce matin pour donner des explications à la population, afin de comprendre ce que nous vivons. Je ne saurais terminer sans remercier ceux qui ont eu confiance en nous pour nous porter la charge de la gestion de cette entreprise à un moment très critique de notre histoire. Parce que nous gérons aujourd’hui quelque que chose dont tout le monde a besoin. Le courant électrique n’est plus un luxe, mais une nécessité. Je veux parler du gouvernement du CNRD à sa tête son Excellence, le Président de la république, le colonel Mamadi Doumbouya.

par Bintou KABA