Mme Rose Pola PRICEMOU, parlez-nous de votre parcours.
Ministre : Je suis Rose Pola PRICEMOU, Ministre du Plan et de la Coopération Internationale de la République de Guinée, depuis le 18 novembre 2022. J’ai occupé le poste de Ministre du Commerce, de l’Industrie et des Petites et Moyennes Entreprises ainsi que celui de l’Information et de la Communication. Avant mon entrée dans le Gouvernement, j’ai exercé la fonction de Directrice Générale du Bureau de Stratégie et de Développement au Ministère en charge des Investissements et des Partenariats Publics et Privés, après plusieurs années d’expérience dans le privé. Sur le plan académique, je suis titulaire d’une Maîtrise Recherche (niveau Master) à l’université de Montréal (Canada), d’un Master en administration des affaires (MBA) spécialisé en Gestion des Technologies de l’information de l’Université Laval (Canada) et d’une maîtrise en informatique appliquée à la gestion de l’Université du 7 novembre à Carthage (Tunisie).
Depuis le 18 novembre 2022, vous êtes à la tête du Département du Plan et de la Coopération. Quelles sont les missions et attributions de votre Ministère ?
Le Ministère du Plan et de la Coopération Internationale a pour mission la conception, l’élaboration et la mise en œuvre de la politique du Gouvernement dans les domaines de la Planification du développement économique et social, de la Coopération Internationale et d’en assurer le suivi. À ce titre, il est chargé notamment d’élaborer les plans de développement économique, social et culturel, les schémas régionaux d’aménagement et de développement, de participer aux négociations et renégociations avec les partenaires au développement, de mettre en œuvre la politique du Gouvernement en matière de production et de diffusion des informations statistiques, de réaliser les enquêtes nationales et les recensements généraux, d’assurer la coordination des aides extérieures et de veiller à leur bonne utilisation en rapport avec les Départements sectoriels concernés, de promouvoir la coopération Sud-Sud et triangulaire, d’assurer la mise en œuvre de la politique nationale de la population et la fonction d’ordonnateur national de l’instrument financier post-Cotonou de l’Union Européenne.
En tant que responsable du Département du Plan, vous n’êtes pas dépassée pour avoir été Responsable BSD (Bureau de Stratégie et de Développement) d’un Ministère auparavant ?
Travailler à divers échelons de l’administration publique permet toujours d’acquérir une somme d’expériences. Dans mes précédentes fonctions de Directrice Générale du BSD, j’ai travaillé en étroite collaboration avec les services du Ministère en charge du Plan. Cette collaboration m’a permis d’avoir une meilleure compréhension et de développer des compétences sur des questions de planification et de développement. Ces fonctions ont été un grand atout pour moi dans l’exercice de mes lourdes charges ministérielles, notamment dans la conception, la mise en œuvre et le suivi des politiques sectorielles.
Quel est votre regard sur les questions de planification stratégique et opérationnelle du développement, notamment l’élaboration et la mise en œuvre du Programme de Référence Intérimaire ?
La planification du développement économique et social est la principale mission de mon Département. Les questions de planification sont donc au centre de notre stratégie de développement. Dans ce cadre, mon Département a élaboré le Programme de Référence Intérimaire (PRI) pour la période 2022-2025. Ce programme est le cadre d’interventions unique du Gouvernement et de ses partenaires au développement. Il repose sur cinq piliers qui touchent tous les domaines de la vie de la Nation. Son élaboration et sa mise en œuvre sont fondées, entre autres, sur les points suivants :
Le besoin d’un référentiel programmatique pour apporter une réponse structurée à l’impératif de refondation de l’État ;
L’inscription de l’action publique dans un cadre stratégique en cohérence avec les enjeux nationaux et internationaux ;
Des choix budgétaires pertinents, réalistes et financièrement soutenables pour garantir la faisabilité des priorités de la Transition ; La mise en évidence des défis de la Transition ;
La mise en œuvre de la Théorie du changement ; et
Les axes d’intervention.
Comment sont les rapports entre la Guinée et ses partenaires au développement en cette période de refondation ?
Comme vous le savez, la Guinée dispose d’un potentiel minier et agricole exceptionnellement riche. Elle a besoin de financement, de technologie et d’équipements pour son développement. Notre stratégie est de renforcer et de diversifier les relations de coopération avec les partenaires bilatéraux et multilatéraux sur tous les plans. Au cours des dernières années, la Guinée a signé avec ses partenaires des documents de coopération dans le cadre de plusieurs initiatives, afin d’approfondir les relations de coopération dans divers domaines. Elle a diversifié ses partenaires et les domaines de coopération, et enregistré d’importants investissements privés étrangers, ce qui s’est traduit par le lancement de grands projets dans les domaines de l’énergie, de l’agriculture, des transports, des mines et des télécommunications. Les relations de la Guinée avec ses partenaires sont donc au beau fixe et se renforcent de plus en plus.
Parmi vos projets prioritaires, on peut noter la redynamisation de la coopération internationale et de l’aide publique au développement. Où en êtes-vous ?
La promotion de la coopération internationale et la mobilisation de l’aide publique au développement font partie des missions de mon département. Dans ce cadre, notre priorité est d’établir des contacts avec les partenaires bilatéraux pour discuter des conventions de financement en cours et réexaminer l’ensemble des accords de coopération à travers l’organisation d’un atelier impliquant les secteurs concernés. Actuellement, nous passons en revue l’ensemble des accords de coopération par priorité, ce qui permettra d’améliorer le suivi de la mise en œuvre des accords. Mon département envisage ainsi de redynamiser la coopération bilatérale et multilatérale, en relançant les commissions mixtes et en renforçant la coordination de l’aide.
Dans votre portefeuille figure également la question sensible du Recensement général de la population et de l’habitation (RGPH-4). Quel est le niveau d’avancement des préparatifs ?
En 2022, le gouvernement guinéen s’est engagé dans la réalisation du quatrième Recensement général de la population et de l’habitation (RGPH-4), après ceux de 1983, 1996 et 2014. Cette opération d’envergure nationale a pour objectifs de mettre à la disposition des utilisateurs des informations fiables et récentes sur l’effectif de la population, sa répartition géographique, sa structure, sa dynamique et ses caractéristiques sociodémographiques, économiques et culturelles, en vue d’une meilleure prise en compte des questions de population dans l’élaboration, le suivi et l’évaluation des politiques publiques ainsi que des plans stratégiques de développement.
Dans ce cadre, plusieurs activités ont été réalisées par mon département, avec le soutien du gouvernement et des partenaires au développement. Ces activités comprennent notamment :
- l’élaboration du document de projet ;
- l’élaboration d’un document de plaidoyer ;
- des voyages d’études et de partage d’expériences ;
- la mise en place des organes de pilotage ;
- la tenue des premières sessions du Conseil National du Recensement et du Comité Technique Intersectoriel du Recensement ;
- le renforcement des capacités des cadres de l’équipe technique et d’encadrement ;
- la préparation des cartes des sous-préfectures de la cartographie pilote ;
- le téléchargement des images satellitaires des localités ;
- l’élaboration des outils méthodologiques ;
- l’organisation de la table ronde des bailleurs de fonds;
- l’organisation de la table ronde des utilisateurs des données ;
- la concertation avec la société civile et le secteur privé ; et le développement des plateformes de recrutement et de collecte des données.
Quels sont les objectifs et les perspectives que vous vous êtes assignés pour les jours à venir ?
Conformément à la lettre de mission assignée à mon département, je me fixe comme objectifs de :
- mettre en place le dispositif de suivi du Programme de Référence Intérimaire (PRI) ;
- Réaliser le quatrième recensement général de la population et de l’habitation ;
- Mettre en place et opérationnaliser l’observatoire national du dividende démographique ;
- Concevoir et opérationnaliser une Plateforme de Gestion de l’Aide (PGA) ;
- Poursuivre la campagne de vulgarisation du Programme de Référence Intérimaire (PRI).
Quelles sont, selon vous, les qualités et les atouts des femmes qui pourraient contribuer (dans les hautes sphères) au développement de notre État ?
Comme les hommes, les femmes doivent avoir un bon niveau de formation, se faire confiance et travailler dur pour contribuer efficacement au développement. En d’autres termes, elles doivent avoir une bonne éducation pour jouer un rôle majeur dans le développement de notre nation.
Depuis votre nomination, vous avez participé à deux grands événements : la conférence des pays à moyens avancés à Doha au Qatar, et récemment à la réunion de printemps du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale à Washington, et vous avez également été à New York pour parler des ODD. Quel bilan dressez-vous de ces différentes missions ?
Tout d’abord, il convient de noter que nous avons participé activement à ces deux grands événements en tant que délégation guinéenne conduite par le Ministre de l’Économie et des Finances en tant que Gouverneur de ces deux grandes institutions de Bretton Woods. Ces Assemblées de printemps 2023 du Fonds monétaire international (FMI) et du Groupe de la Banque mondiale (GBM) ont eu lieu dans un contexte national marqué par la finalisation de l’élaboration du Programme de Référence Intérimaire (PRI) 2022-2025, du Plan de Relance Économique (PRE), de l’adoption de la Loi de Finances Initiale (LFI) 2023, de l’approbation par le Conseil d’Administration du FMI, le 22 décembre 2022, de la Facilité de Crédit Rapide (FCR) d’un montant de 71 millions de dollars US en faveur de la République de Guinée. Au titre du Guichet Choc Alimentaire (GCA) du FMI et de l’allocation par la Banque mondiale au titre de l’IDA 20 en faveur de notre pays.
Les objectifs principaux de la mission ont été de :
- Raffermir la coopération entre les Institutions de Bretton Woods (FMI et GBM) et la République de Guinée, en participant à ces assemblées, marquant ainsi notre présence au grand concert des Nations ;
- Partager les avis sur les grands dossiers mondiaux : conjoncture économique mondiale, lutte contre la pauvreté, développement économique, efficacité de l’aide, etc. ;
- Expliquer aux autorités du FMI, de la Banque mondiale et d’autres partenaires présents à Washington, les grandes orientations des nouvelles autorités basées sur la refondation de l’État et la moralisation de la vie publique ;
Concernant ma participation au Forum Économique et social sur le suivi du financement du développement du 17 au 20 Avril 2023 à New York, il faut savoir que cette importante rencontre est un processus intergouvernemental à participation universelle dont l’objectif est d’examiner le programme d’action d’Addis-Abeba (programme d’Addis) et d’autres résultats en matière de financement du développement, ainsi que les moyens de mise en œuvre des Objectifs de Développement Durable (ODD).
Le Forum ainsi que les réunions auxquelles nous avons pris part ont débouché sur les principales conclusions suivantes :
- Le forum dans le cadre du financement du développement appelle l’ECOSOC à réformer l’architecture financière mondiale, inapte à résoudre les défis d’aujourd’hui et de demain ;
- Le Forum appelle à plus de transparence et au partage d’information pour mieux gérer l’endettement ;
- L’industrialisation verte, le financement climatique et la coopération fiscale internationale ont été au centre des débats sur le financement du développement ;
- Le forum de l’ECOSOC s’est achevé sur l’adoption d’un document final qui engage les États à se montrer à la hauteur des enjeux ;
- Dans le cadre de rencontres bilatérales, les partenaires sont résolument engagés à accompagner la Guinée dans la réalisation de son programme de développement.
Pour ces deux missions, je peux vous assurer que le bilan est positif dans le sens où nous avons pu faire différents plaidoyers. Nous avons mentionné l’organisation prochaine de tables-rondes des bailleurs pour le financement du PRI, ainsi que la mise en place de l’Institut International de Coopération Sud-Sud et Triangulaire.
Avez-vous des garanties pour le financement du projet de recensement général de la population ?
En janvier 2023, le gouvernement, à travers le Ministère du Plan et de la Coopération Internationale (MPCI), sous l’impulsion de Son Excellence Colonel Mamadi Doumbouya, Président de la Transition, Chef de l’État, et sous le leadership du Premier Ministre, Chef du Gouvernement, a organisé une table-ronde des bailleurs de fonds dans le but de mobiliser le financement des activités du Recensement Général de la Population et de l’Habitation. Cette table-ronde avait pour objectif de mobiliser les contributions des acteurs pour combler le déficit de financement des activités du RGPH-4. Le gouvernement, convaincu de la nécessité d’actualiser les données démographiques pour la conception, la mise en œuvre et le suivi de la politique de développement, s’est engagé à financer 60 % du budget du RGPH-4. Les partenaires techniques et financiers, notamment la Banque Mondiale, la Banque Africaine de Développement et le Système des Nations Unies, se sont engagés à mobiliser le reste du financement du RGPH-4, qui s’élève à environ 15,4 millions de dollars.
Un mot de la fin pour cet entretien
J’espère que ces quelques lignes inspireront et encourageront chacun à viser plus haut. J’invite individuellement à faire de leur émancipation économique une priorité majeure. Dans la même lancée, j’encourage chacun à ne pas baisser les bras dans le combat qu’il mène au quotidien. Je souhaite également souligner l’importance du rôle des femmes dans l’évolution et le développement socio-économique de toute l’Afrique et de la Guinée en particulier, car cela nécessite un changement de paradigmes, de mentalités et donc d’éducation. Comme vous le savez, en Afrique, l’éducation est souvent confiée aux femmes. Cela montre qu’elles ont un rôle primordial à jouer dans la préparation de nos filles et de nos fils. Ce développement ne peut et ne doit pas se faire sans elles et se manifestera fondamentalement à travers chacun d’entre nous. Je souhaite une excellente lecture aux lecteurs et lectrices de Dolon Magazine. Merci à toutes et à tous. Je vous remercie
Réalisé par Bintou KABA